La stéréoscopie : comment créer des images 3D ?

La stéréoscopie est l'art de reproduire l'illusion de relief sur un support 2D comme un écran ou une image. Depuis l'invention de la photographie, les techniques stéréoscopiques n'ont pas cessé de s'améliorer offrant des résultats de plus en plus probants. Avec les avancées technologiques, il est devenu de plus en plus facile de créer ses propres images 3D.


L'origine de la perception du relief

Si l'on est capable d'apprécier le relief, c'est grâce à notre vision binoculaire.
Par quel miracle me direz-vous ? Cela vient du fait que nous percevons deux images d'une même scène sous deux angles de vue différents, nos yeux étant séparés par une distance de 6 à 7cm.
Notre cerveau interprète ainsi les images venant de nos deux yeux respectifs pour restituer une sensation de profondeur.
En fait, l'écart formé entre ces deux vues permet à notre cerveau de récupérer des informations essentielles sur les distances :

  • Pour un objet proche, il recevra deux images dont l'écart de vue sera très important,
  • Pour un objet situé à l'infini, les deux vues seront presque identiques.

Evidemment, cela ne marche que lorsque l'objet observé est perçu par nos deux yeux simultanément, autrement dit quand il se trouve dans notre champ de vision binoculaire. La vision monoculaire (désignant tout ce qui ne peut être vu que par un seul œil) ne permet pas d'avoir des informations sur la profondeur.

Voici un schéma illustrant le phénomène :

Vision binoculaire

Notre vision est majoritairement binoculaire (120° pour 180° de champ de vision total) et nous permet d'apprécier le relief sur une grande partie de notre champ de vision global. Cela vient du fait que nos yeux ont une position frontale : les champs de vision des deux yeux se superposent sur une grande zone de l'espace.

Champ de vision de l'homme

Cette morphologie n'est pas propre à toutes les espèces. Certaines, comme le cheval, ont leurs yeux en position latérale ce qui n'est pas propice à la vision binoculaire.

Champ de vision du cheval

Le cheval possède un champ de vision binoculaire de 65° pour 350° de champ de vision global. Certains animaux comme les lapins (360° de champ de vision) ne disposent quasiment pas de champ de vision binoculaire (25°).
De façon générale, les prédateurs ont une vision majoritairement binoculaire (leurs yeux sont en position frontale) tandis que leurs proies ont un champ de vision proche des 360°, et ce au détriment de leur vision binoculaire (leurs yeux sont en position latérale). Cela leur permet respectivement de mieux apprécier les distances pour la chasse ou de mieux percevoir le danger afin d'améliorer leurs chances de survie.

La stéréoscopie, l'art de reproduire le relief

Alors que notre vision est majoritairement binoculaire, la plupart des images que nous produisons (dessins, photos, films...) n'offrent à l'observateur qu'un seul point de vue : l'œil gauche et l'œil droit reçoivent alors la même image. Cela ne permet pas au cerveau de récupérer les informations relatives au relief. Ces images « monoscopiques » ont d'ailleurs permis à plusieurs artistes de se jouer de l'absence de perspective pour tromper l'œil de leurs spectateurs.
Pour créer l'illusion de relief, il faut satisfaire les conditions de notre vision binoculaire en proposant une image pour l'œil gauche et une autre pour l'œil droit.

La réalisation d'images stéréoscopiques passe donc par deux étapes, il faut :
  • prendre deux images de la scène que l'on veut reproduire, l'une vue de gauche et l'autre vue de droite,
  • mettre chaque œil en correspondance avec l'image qui lui est destinée en utilisant une des techniques stéréoscopiques.

Prise des deux vues

La réalisation d'images 3D consiste à prendre deux images d'une même scène avec un léger décalage de point de vue comparable à celui perçu de nos yeux. Pour la photographie, deux démarches sont possibles :

  • avec deux appareils que l'on aligne côte à côte, on prend les deux images de façon simultanée.
  • avec un seul appareil, on prend successivement une première photo pour la vue de gauche puis une deuxième pour celle de droite. Evidemment, cette méthode sous-entend qu'aucun élément n'ait bougé entre les deux prises, ce qui est très contraignant (parallaxe temporelle).
L'écart des deux points de vue ne doit pas nécessairement être égal à celui des deux yeux (soit 6 à 7 cm). Un écart plus grand permet de donner l'impression que la scène est plus petite qu'en réalité, tandis qu'un écart plus faible donnera l'impression que la scène est plus grande. Dans certains cas, cela permet d'améliorer le rendu de l'image. A noter qu'une trop grande parallaxe (trop grand écart) peut rendre la visualisation 3D impossible.

En ce qui concerne la réalisation de vidéos 3D, le principe est le même mais les contraintes techniques sont plus importantes :

  • Il faut se munir de deux caméscopes pour saisir les deux vues simultanément,
  • La synchronisation des deux caméscopes (même identiques) n'est pas toujours parfaite, il faut veiller lors du montage à resynchroniser les deux vidéos en cas de décalage,
  • La qualité de l'image et de l'animation peuvent entraver le rendu de relief,
  • Il est impossible de zoomer pendant l'enregistrement.

Les techniques stéréoscopiques utilisées

La stéréoscopie est l'ensemble des techniques permettant de mettre en correspondance les deux vues d'une image avec le bon œil pour rendre l'effet de relief. Plusieurs procédés plus ou moins efficaces ont été découverts pour isoler la perception d'une image à l'œil qui lui est destiné.

Vision libre (parallèle ou croisée)

Cette technique ne nécessite pas de lunettes mais demande un réel effort à l'observateur.

Pour la vision parallèle, cela consiste à disposer les deux images côte à côte : l'image vue de gauche à gauche et l'image vue de droite à droite. L'observateur doit alors faire la correspondance des images en rendant sa vision parallèle. Pour cela, il est conseillé de se rapprocher très près de l'image, de fixer un point à l'infini, puis de s'en éloigner lentement. C'est d’ailleurs sur ce principe que reposent les stéréogrammes.
Peu de personnes arrivent à visualiser ce genre d'images. Il existe néanmoins des appareils qui permettent, grâce à un jeu de miroirs, de faciliter leur visionnage : les stéréoscopes.

Voici un exemple d'image stéréoscopique en parallèle :

Vision parallèle

La vision croisée est plus accessible. Elle consiste à disposer les deux images de façon croisée : l'image vue de gauche à droite et l'image vue de droite à gauche. Pour visualiser l'image 3D, il faut loucher pour réunir les deux images au centre, ainsi l'œil droit regarde l'image de gauche tandis que l'œil gauche regarde celle de droite. Toute la difficulté consiste à superposer les deux images en louchant plus ou moins. Pour garder l'illusion de 3D, il faut alors conserver la mise au point en évitant de bouger. Cette technique est d'autant plus inconfortable qu'elle fatigue énormément les yeux.

Vous pouvez essayer la vision croisée sur cette image :

Vision croisée

Anaglyphes : lunettes bicolores

Les anaglyphes sont issus de la superposition des deux vues auxquelles on a préalablement appliqué un filtre de couleur : le rouge pour l'image de gauche et le cyan pour celle de droite. L'observateur a alors besoin de lunettes bicolores (rouge pour le verre gauche et cyan pour le verre droit) pour que chacun de ses yeux récupère l'image qui lui est destinée.

Synthèse soustractive

Cette méthode repose sur le principe de la synthèse soustractive des couleurs. Comme on peut le voir sur le schéma, le cyan et le rouge sont deux couleurs complémentaires (rouge + cyan = noir). Ce qui implique que :

  • le filtre rouge des lunettes ne laisse passer que les composantes rouges et annihile toutes les composantes cyan.
  • le filtre cyan des lunettes ne laisse passer que les composantes cyan et annihile toutes les composantes rouges.

Ce qui signifie que :

  • une image dépourvue de composantes rouges sera invisible pour l'œil placé derrière le filtre rouge
  • une image dépourvue de composantes cyan sera invisible pour l'œil placé derrière le filtre cyan.
Autrement dit, si l'on applique un filtre rouge pour l'image vue de gauche et un filtre cyan pour l'image vue de droite et qu'on les superpose, l'observateur portant des lunettes bicolores recevra pour chacun de ses yeux l'image qui lui est destinée.
Les conditions de la vision binoculaire sont alors respectées.

On filtre les couleurs de chaque vue :

Filtre rouge Filtre cyan

Puis on superpose les deux images pour obtenir notre anaglyphe :

Anaglyphe

Cette technique est assez simple à mettre en place et offre à l'utilisateur une appréciation du relief sans effort.
Elle présente cependant quelques défauts :

  • Elle a la fâcheuse tendance d'altérer les couleurs d'origine (surtout les couleurs vives). A noter d'ailleurs que si l'on choisit le couple complémentaire rouge et cyan c'est pour minimiser cette altération.
  • Une image à dominante rouge ou à dominante cyan peut créer un déséquilibre de perception entre les deux yeux. Les deux images reçues ne présentant pas la même qualité d'information, la vision binoculaire sera biaisée pouvant conduire à l'incapacité d'interpréter le relief de l'image.
  • Le rouge ne filtre pas parfaitement les composantes cyan, ce qui peut engendrer la formation de fantômes (traces de l'image qui n'est pas destinée à être vue).

Après superposition des deux images rouge et cyan, on obtient l'anaglyphe suivant :

Lunettes polarisées

Cette technique est assez proche du concept des lunettes bicolores, mais au lieu d'utiliser la complémentarité des couleurs, on utilise la polarisation de la lumière.

L'amplitude d'une onde électromagnétique traversant un filtre polarisant dépend de l'angle formé entre le plan de polarisation du filtre et celui dans lequel vacille l'onde. Si l'on note θ l'angle formé entre ces deux plans et A0 l'amplitude de l'onde avant de traverser le filtre, alors l'amplitude A à la sortie du filtre peut être obtenue à partir de cette relation : A = A0 * cos²θ
L'amplitude de sortie est donc égale à l'amplitude d'entrée quand les deux plans sont orthogonaux et nulle quand les deux plans sont parallèles.

Schéma polarisation

Les lunettes polarisées possèdent deux filtres polarisants : le filtre gauche polarise sur le plan horizontal et le filtre droit sur le plan vertical. Si l'on diffuse nos deux images avec des polarisations différentes (l'image de gauche polarisée sur un plan vertical et celle de droite sur un plan horizontal), alors les filtres des lunettes discrimineront les deux images en fonction de leur polarisation : le filtre gauche laissera passer la lumière polarisée sur le plan horizontal et le filtre droit laissera passer la lumière polarisée sur le plan vertical. Chaque œil recevra ainsi l'image qui lui est destinée.

Cette méthode offre un très bon résultat : l'image est juste un peu plus sombre qu'à l'origine étant donné qu'on bloque certains rayons. Cependant, c'est une technique très contraignante à mettre en place :

  • Il faut disposer de deux vidéoprojecteurs pour pouvoir diffuser les deux images avec des polarisations différentes.
  • On ne peut pas projeter l'image sur n'importe quel support au risque de perdre la polarisation de la lumière lorsqu'elle se réfléchit sur l'écran. Il existe des écrans spéciaux pour garder la polarisation initiale (un revêtement de peinture métallisée permet également de pallier au problème).

Lunettes alternantes à cristaux liquides

Les lunettes alternantes à cristaux liquides ont des verres qui deviennent opaques à tour de rôle périodiquement.
En diffusant les deux images, gauche et droite, de façon alternée et en se synchronisant avec l'alternance des lunettes, il est possible de montrer l'image gauche lorsque le verre droit devient opaque et l'image droite lorsque le verre gauche devient opaque. De cette manière, chaque image est isolée à l'œil qui lui correspond.
En prenant une période très faible, la persistance rétinienne permet au cerveau de disposer des deux images en continu.

Ecrans 3D

Les avancées technologiques en matière d'écrans 3D nous permettront bientôt de nous passer de lunettes. Deux technologies se disputent la vedette : l'auto stéréoscopie (français) et la barrière parallaxe (japonais).

Le mot de la fin

Nous remercions notre partenaire, le labo Art Numérique, pour nous avoir fourni leur modèle 3D de dés et nous avoir permis de réaliser les précédents exemples.

Enfin, si la lecture de cet article vous a donné envie de réaliser vos propres images 3D voici deux logiciels gratuits qui pourraient vous être utiles :